La nouvelle doctrine fiscale sur les rémunérations des associés de SEL
Le changement de doctrine fiscale de l’administration concernant l’imposition des rémunérations des associés de Sociétés d’Exercice Libéral (SEL) relevant de l’Impôt sur les Sociétés (IS) a des implications significatives. Jusqu’à récemment, l’administration considérait que ces rémunérations entraient dans la catégorie des traitements et salaires ou des rémunérations de l’article 62 du Code Général des Impôts (CGI). Désormais, elle affirme que les rémunérations des associés liées à des fonctions techniques relèvent de la catégorie des Bénéfices Non Commerciaux (BNC), sauf en cas de lien de subordination entre l’associé et la société (BOI-RSA-GER 10-30, n° 440, 5 janv. 2023).
Cette modification, initialement prévue pour s’appliquer dès l’imposition des revenus de l’année 2023, a été différée au 1er janvier 2024 pour permettre aux professionnels de s’ajuster aux conséquences de ce changement. Jusqu’à la fin de l’année 2023, les associés peuvent invoquer la réponse ministérielle Cousin pour justifier l’imposition de leurs rémunérations au titre de leur activité libérale dans la catégorie des traitements et salaires ou de l’article 62 du CGI.
Une autre évolution à prendre en compte est l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2024, de l’ordonnance n° 2023-77 du 8 février 2023, régissant l’exercice en société des professions libérales réglementées. Cette ordonnance abolit la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 créant les SEL et introduit différentes formes sociales permettant aux professionnels concernés de se regrouper.
I. Le régime fiscal des SEL et des rémunérations de leurs associés
A. Rappel du régime fiscal encore en vigueur
Les SEL sont normalement soumises à l’IS, sauf dans certaines exceptions. La doctrine administrative antérieure considérait que les rémunérations des associés étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires ou de l’article 62 du CGI. Cependant, la jurisprudence du Conseil d’État a souligné que cette doctrine ne distinguait pas entre les rémunérations pour l’exercice de l’activité libérale et celles liées aux fonctions de direction.
1) Doctrine administrative antérieure
Avant le changement intervenu en décembre 2022, l’administration estimait que les rémunérations des associés étaient imposables dans la catégorie des traitements et salaires, sauf pour les gérants majoritaires ou les membres de collège de gérance majoritaire, qui relevaient de l’article 62 du CGI.
2) Jurisprudence antérieure
La jurisprudence du Conseil d’État avait déjà établi que les rémunérations des associés de SEL pour l’exercice de leur activité libérale devaient être imposées en BNC, sauf démonstration d’un lien de subordination caractérisant une activité salariée.
B. Le nouveau régime fiscal des rémunérations des associés de SEL
1) Distinction entre fonctions de direction et fonctions techniques
A partir de l’imposition des revenus de 2024, l’administration aligne sa position sur celle du Conseil d’État. Les rémunérations des associés pour leurs fonctions de direction relèveront de la catégorie des traitements et salaires, tandis que celles liées à l’activité libérale au sein de la SEL seront imposées en BNC. Toutefois, en cas de lien de subordination, l’associé sera imposé dans la catégorie des traitements et salaires.
2) Conséquences comptables du changement de doctrine
Ce changement de doctrine a des conséquences comptables pour les SEL. Les rémunérations des associés pour leurs fonctions techniques sont désormais enregistrées au poste « honoraires » plutôt qu’au poste « charges de personnel ». Les SEL devront déclarer ces honoraires chaque année si leur montant dépasse 1 200 € par bénéficiaire.
II. Impacts sur les associés et les SEL
A. Pour les associés
Les associés relevant du régime BNC devront respecter les obligations comptables associées à ce régime. Les recettes effectivement encaissées ou mises à disposition seront déterminantes pour le calcul du bénéfice imposable. Les cotisations sociales seront désormais à la charge des associés, bien que la SEL puisse éventuellement les prendre en charge, ce qui devra être formellement précisé.
B. Pour les SEL
Les SEL devront adapter leur comptabilité pour prendre en compte la nouvelle classification des rémunérations. Elles devront déclarer les honoraires versés aux associés et respecter les nouvelles obligations déclaratives. En prenant en charge les cotisations sociales de l’associé, elles devront comptabiliser cela comme un complément de rémunération.
En conclusion, le changement de doctrine fiscale quant à l’imposition des rémunérations des associés de SEL a des implications notables tant sur le plan fiscal que comptable. Les professionnels concernés doivent être attentifs à ces modifications et ajuster leur pratique pour se conformer à la nouvelle réglementation. Il est recommandé de consulter des experts fiscaux pour une adaptation efficace aux nouvelles règles.